Martine Vermeylen, psychologue clinicienne, active dans le réseau Norwest via son association professionnelle UPPSY BUPSY a accepté de répondre à quelques questions au sujet de son expérience au sein du projet pilote de remboursement de soins psychologiques de première ligne.
Bonjour Martine, peux-tu te présenter?
Je suis psychologue indépendante pensionnée depuis 2015 après avoir travaillé 43 ans d’abord comme assistante en psychologie : éducatrice spécialisée en psychopédagogie pour des enfants handicapés (Le Creb 1975 à 1977), animatrice dans un planning familial (CPF Uccle en 1978), thérapeute en psychomotricité dans un SSM (War Memorial 1982 à 1986 centre devenu ensuite SSM Etterbeek enfants), conseillère conjugale et familiale dans une Maison Médicale (Le Noyer à Schaerbeek de 79 à 91), coordinatrice pour la mise en place du centre de guidance Le Sas (91 à 98) à Evere et comme psychopédagogue pour enfants en difficultés scolaire spécialisée en psychomotricité au Sas avant qu’il devienne un SSM agréé.
Ensuite j’ai refait un Master en psychologie à LLN de 91 à 95 et exercé en tant que Psychologue Clinicienne au SSM Le Sas (service de santé mentale agréé en 1998), ce qui fait aussi vingt ans (1995 à 2015) avec des enfants et des familles comme psychanalyste d’enfants et thérapeute familiale systémique avec complément de formation en psychanalyse groupale et familiale à Paris en 2005.
Depuis 2015, je travaille comme psychologue clinicienne indépendante pour enfants et adultes avec psychothérapies de couples et de familles à Neder Over Heembeek.
Par ailleurs, suis aussi mère de 3 fils dont un fils handicapé (moteur et psychique) de 44 ans et de jumeaux de 42 ans et grand-mère de 4 petits-fils (entre 7 et 1 ans 8 mois). J’ai découvert la psychiatrie adulte à partir de 1996 lorsque mon fils aîné a fait sa première crise psychotique et qu’il est devenu paraplégique après une crise de folie et chute d’un toit.
C’est la raison pour laquelle j’ai découvert Similes-Bruxelles où je suis toujours bénévole depuis 24 ans. J’ai participé à la création de plusieurs projets : l’aide aux jeunes vivant avec des personnes atteintes de troubles psychiques (les ateliers Il était une fois en 2010), la Création du Club Norwest de Jette (2015), le Family Home Support (FHS), équipe mobile pour les familles dans le cadre du réseau 107 à Bruxelles, ensuite la formation Profamille à Similes -Bruxelles (2018) et les pratiques Open Dialogue pour les familles confrontées à des crises dans les locaux de la Plate-forme de concertation en santé mentale (2019-20) et puis par zoom depuis la crise sanitaire (avril 20)
Qu'est-ce qui t'a amené à participer au projet "Psychologues de première ligne" ?
Lorsque je me suis décidée à prendre ma retraite début 2015, j’avais déjà une activité d’indépendante complémentaire depuis 5 ans et je désirais développer cette pratique avec la collaboration des médecins généralistes de mon quartier. Cette collaboration me rappelait mes années à la Maison Médicale Le Noyer (12 ans), une des premières à travailler avec une psychologue et sans la présence d’un psychiatre. Durant ces années j’ai collaboré avec la MM Marconi à la création de la Fédération des MM dans un concept de médecine intégrée avec les besoins des patients comme boussole.
J’aimais la 1ère ligne comme prévention de troubles plus graves ou chroniques. Il n’y avait pas de remboursement possible à cette époque, je pratiquais des tarifs assez bas pour rester accessibles à des patients en difficulté psycho-sociale.
Lorsque le projet des PPL a vu le jour, j’hésitais à m’y engager à cause des contraintes administratives (prescription médicale, tableau à remplir pour le remboursement par l’INAMI, un rapportage aux médecins, un dossier médical informatique…).
Soutenue par les discussions avec mes collègues de l’Union Professionnelle des Psychologues UPPSY-Beroeps Unie voor Psychologen BUPSY, nous étions quelques rares psychologues à nous lancer dans l’aventure de ce projet pilote. La crainte majeure était de trahir nos patients par un rapportage de confidences à d’autres professionnels de la santé, par une obligation d’alimenter un dossier patient informatique au même titre qu’un médecin alors que notre paradigme de travail est très différent qu’en médecine des organes ou des symptômes. Il s’agit d’une science humaine et non d’une science objectivante et quantifiable.
La question d’un remboursement possible des psychologues par l’INAMI permettait de faire reconnaître notre profession dans le domaine de la santé en général et de plus l’inscription du travail du psychologue clinicien dans un réseau de santé mentale.
Peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste concrètement, le projet de remboursement de soins psychologiques de première ligne ?
Certains médecins (généralistes, psychiatres, médecins du travail) peuvent faire une prescription à leurs patients qui leur permet de s’adresser uniquement aux psychologues de 1ère ligne inscrits avec un visa et un n° INAMI pour 4 séances renouvelables avec une nouvelle prescription et limité à 8 séances par année civile. Les psychologues cliniciens qui consultent ne sont pas tenus d’être formé en psychothérapie alors que la plupart le sont déjà. De jeunes psychologues peuvent donc commencer à exercer avec un minimum de 3 années de pratique en psychologie clinique. Les patients ne paient que 11,20 euros ou 4 euros pour ceux qui ont droit à une intervention majorée par l’INAMI. Les psychologues doivent remplir un tableau assez fastidieux et précis au niveau administratif pour recevoir le complément financier par séance qui leur permet de percevoir avec le paiement du patient en plus de la somme versée par le service de tarification de l’hôpital Titeca, un prix de 45 euros par séance avec une 1ère consultation à 60 euros. Ces montants sont récupérés par l’hôpital à l’INAMI si tous nos renseignements (tableaux avec notamment n° Niss du patient, code Inami du médecin, ..) sont exacts et que le patient est bien en ordre de mutuelle.
Le travail d’écoute est précieux pour lui comme lieu d’accueil de sa souffrance psychique et permet d’orienter certaines demandes au terme des 8 séances annuelles vers un travail plus spécialisé en santé mentale, au besoin.
Justement, où vont les gens après les 4 ou 8 séances ?
Les patients peuvent ensuite être adressés vers des services de santé mentale, des centres d’accueil, des hôpitaux ou d’autres spécialistes selon leurs besoins.
Au cas où le psychologue clinicien est formé en psychothérapie, il peut continuer avec le même patient et proposer une nouvelle forme de remboursement par la mutuelle cette fois.
Le système existe depuis longtemps mais les conditions d’accès ne sont pas homogènes. Certaines mutuelles demandent le numéro d’agrément à la Commission des Psychologues, d’autres demandent le n° du visa ou de l’agrément régional du psychologue. D’autres systèmes encore remboursent les psychothérapies exercées par des psychologues.
Les associations professionnelles de psychologues demandent actuellement à clarifier l’accès à cette 2ème ligne et son remboursement depuis que le Conseil Fédéral a donné un avis sur la psychothérapie exercée par les psychologues auprès du Ministre de la Santé.
En tant que psychologue clinicienne, comment vis-tu le fait que le système fonctionne sur prescription d'un médecin ? Et si les gens n'ont pas envie d'en parler ou de passer par leur médecin pour obtenir ce remboursement ?
Je trouve que ce système est trop complexe et fort exigeant tant pour les patients que pour les psychologues. C’est ce qui explique en partie que les budgets libérés ne sont pas suffisamment utilisés et que les psychologues sont encore frileux à travailler de cette manière.
Plusieurs exigences dont la présence à des réunions de réseaux, des intervisions obligatoires mais surtout les contraintes administratives peuvent freiner les psychologues à travailler dans ce projet pilote.
Il s’agit en effet, d’un projet de 3 ans qui se termine fin 2021. Nous espérons que le système devienne plus souple par la suite et que tous les psychologues travaillant en réseau multidisciplinaire puissent obtenir ce remboursement pour leurs patients même sans prescription médicale. En effet, les patients subissent de la contrainte : ils préfèrent avoir un accès direct aux psychologues de leur choix et non parce qu’ils sont inscrits dans ce système et ne pas devoir expliquer au médecin leurs soucis, Certains ont peur des médicaments. Je pense que les confidences doivent faire l’objet d’un plus grand respect déontologique. Il y a moyen de communiquer certaines données au médecin avec l’accord et/ou à la demande du patient pour une meilleure prise en charge concertée dans certains cas.
C'est un projet encore relativement récent. Mais reçois-tu davantage de monde depuis le début de la crise sanitaire ?
Si le projet a débuté début 2019, je l’ai rejoint en juin 2019 car il y avait trop peu de psychologues pour Bruxelles et plus particulièrement dans le Nord de Bruxelles.
Je reçois de plus en plus de monde surtout depuis le confinement, fin avril 2020. Les personnes qui vivent une fracture numérique n’avaient pas accès aux vidéo-consultations et demandaient à être reçues (voir mon interview dans l’article de Soraya Ghali dans Le Vif/l’express n°5 du 4 avril 2020 p 12-14 « Ce que le confinement fait (déjà) au moral ». J’ai donc accepté de les voir avec masques et respect des règles sanitaires.
Actuellement je reçois pas mal de demandes envoyées par la Maison Médicale Le Pavillon, le centre médical du Dr Dooreman, le Coin des Cerises, des médecins généralistes de Schaerbeek. Dès que la demande devient trop forte, je renvoie les demandes vers certains collègues de Ganshoren, de Diegem ou vers des psychologues que je connais dans la liste officielle de l’INAMI et du réseau 107 Bruxellois.
Pour contacter Martine Vermeylen: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 0496/14 75 65 Avenue des Croix de l’Yser, 9, 1120 Bruxelles
Pour tout savoir sur le projet de remboursement de soins psychologiques de première ligne à Bruxelles: http://www.107bru.be/projet_inami.
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